Interview Collégiennes et lycéennes, les sciences vous intéressent ? Lancez-vous !
En bref
- À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2022, la rédaction de cidj.com a interviewé Anaëlle Gateau, présidente de l’Afneus, dont le programme Femmes en sciences encourage les collégiennes et lycéennes qui aiment les sciences à s’orienter vers des études scientifiques.
En 2020, la part de femmes dans les formations scientifiques est de 41,3 %, soit une augmentation de 1,3 point en dix ans, d’après les derniers chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur. Dans les sciences fondamentales et applications, il y a 30,5 % de femmes, alors que dans les sciences de la vie, de la santé, de la Terre et de l’Univers, elles sont 63,5 %. Une représentation liée aux stéréotypes encore très ancrés, d’après Anaëlle Gateau, présidente de l’Association fédérative nationale des étudiant.e.s universitaires scientifiques (Afneus) dont le programme Femmes en sciences encourage les collégiennes et lycéennes qui aiment les sciences à s’orienter vers des études scientifiques. La rédaction de cidj.com l'a interviewée à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2022.
La part des étudiantes dans les filières scientifiques est en augmentation. Si elles restent minoritaires, c’est tout de même une évolution positive ?
Anaëlle Gateau : Chaque année à l’Afneus, nous publions ces chiffres, notamment à l’occasion de la journée internationale des femmes et des filles de sciences le 11 février. Certes, d’année en année, la part des femmes augmente mais seulement de 1 % ou moins selon les années. Nous ne considérons pas que c’est significatif. Évidemment, sur les 50 ans dernières années, l’augmentation est claire mais reste faible, notamment en raison de stéréotypes très tenaces. Ce sont les mêmes stéréotypes discriminants envers les femmes que l’on retrouve dans la société de manière générale. Malgré les avancées avec la mixité des écoles et des programmes harmonisés, il subsiste une éducation différenciée, des réflexions ou des comportements sexistes, même involontairement, que ce soit dans l’environnement scolaire ou familial.
Un exemple de stéréotype qui persiste à l’école ?
Anaëlle Gateau : Il existe des études qui montrent un traitement différent entre les filles et les garçons dans les bulletins scolaires. Les filles auront des commentaires qui disent : « travaille très bien », « fait de son mieux », alors que les garçons auront des remarques du style : « peut mieux faire », « n’est pas au bout de ses capacités ». On a l’impression que c’est positif pour les filles et négatif pour les garçons, mais c’est tout l’inverse. On en demande toujours plus aux garçons en les poussant, on considère qu’ils sont toujours capables de mieux faire, alors qu’on considère que si une jeune fille obtient tel résultat, elle ne sera pas capable de mieux car elle a tout donné. Cela n’encourage pas les filles à se dépasser et les pousse par défaut vers des filières littéraires ou sociales, tandis que les garçons sont poussés vers les filières scientifiques.
Lorsque les jeunes femmes s’orientent vers une voie scientifique, le choix de la discipline est-il influencé par des stéréotypes ?
Anaëlle Gateau : En effet, les femmes sont très représentées dans les domaines liés à la santé et à la biologie, elles représentent 60 % des étudiants ! En revanche, elles sont sous-représentées dans les domaines scientifiques qui ont une image masculine : mathématiques, physique et informatique. On est autour de 20 % de femmes dans ces disciplines, de la licence à la thèse ou en post-doctorat. Nous avons des témoignages rapportant des réflexions de professeurs qui sont vraiment très alarmantes pour notre époque, comme : « là on va rentrer dans la partie un peu difficile les filles, mettez-vous au tricot si vous voulez. »
Pourtant les femmes et les hommes ont les mêmes capacités ?
Anaëlle Gateau : Bien sûr ! Mais des idées reçues persistent à cause d’anciennes démarches scientifiques qui ont montré que les cerveaux des hommes et des femmes étaient différents physiquement. Ce qui est vrai. Les cerveaux des femmes et des hommes présentent quelques petites différences, ils ne se développent pas de la même manière, mais cela n’impacte en rien les compétences de manière générale, en particulier les capacités scientifiques ! Et il n’y a pas un sexe ou un genre qui est plus apte pour une discipline scientifique ou une autre. C’est justement pour faire avancer les choses que nous menons des actions de sensibilisation auprès de la communauté éducative, des jeunes et de la population générale avec notre projet Femmes en sciences. Notre but n’est pas de culpabiliser, mais de déconstruire les clichés pour encourager les jeunes filles qui le souhaitent à se projeter dans une carrière scientifique.
Quels conseils pour les collégiennes et lycéennes que les sciences intéressent ?
Anaëlle Gateau : Si les sciences vous intéressent, lancez-vous ! Vous pouvez être chercheuse, technicienne, ingénieuse… Vous rencontrerez sans doute des barrières, mais il ne faut pas lâcher quelque chose qui vous plaît. Il existe de nombreux domaines, de sous-domaines, les sciences ne s’arrêtent pas aux maths, à la physique et à la chimie comme on le voit au lycée. Il y a des centaines de métiers scientifiques, si on n’est pas très bon en maths ou en biologie, on peut quand même faire des sciences, tout n’est pas lié. Il y a beaucoup de possibilités. La transdisciplinarité est importante, on peut prendre un petit bout de telle et telle filière et évoluer au milieu des deux.
Comment découvrir l’étendue des métiers scientifiques accessibles ?
Anaëlle Gateau : Ce n’est pas évident quand on est au collège ou au lycée. Les fiches métiers, c’est bien mais ça ne fait pas tout. Il faut aller sur le terrain, visiter des laboratoires d’université, rencontrer des étudiants et des scientifiques, lors de journées campus ouverts, de forums ou de salons spécialisés. La science est trop vaste pour comprendre ce qu’elle est de manière théorique, il faut la pratiquer pour trouver sa voie. J’en ai moi-même l’expérience. Je me suis inscrite en licence de biologie par défaut après avoir voulu faire des études de kiné, mais ça ne me plaisait pas vraiment… C’est en fin de L2 que j’ai découvert la microbiologie qui m’intéresse énormément et vers laquelle je me suis tournée en master. Alors, si vous aimez l’aspect scientifique, en étant curieuse, vous allez forcément trouver un domaine dans lequel vous allez vous épanouir !