Douche froide Parcoursup : des étudiants étrangers désormais limités dans leurs choix

Odile Gnanaprégassame
Publié le 13-05-2024

En bref

  • Alors que la plateforme Parcoursup n’opérait jusqu'ici aucune distinction de provenance et de nationalité des candidats, c’est désormais chose révolue.
  • Un décret et un arrêté, parus début février 2024, limitent l’accès à certaines formations de l’enseignement supérieur pour les étudiants étrangers.
  • Le Conseil d’État a rejeté la demande de suspension portée par deux organisations étudiantes qui dénoncent une « rupture d’égalité ».
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Pour les étudiants étrangers, le nombre de vœux est restreint dans certaines formations très demandées. Crédit : CIDJ - Canva

Un décret et de la colère

Douche froide pour les étudiants étrangers et les organisations étudiantes. En effet, un décret publié le 6 février 2024 autorise le ministre de l’Enseignement supérieur à modifier leurs conditions d’accès aux études en France. Dans la foulée, un premier arrêté fixe à trois le nombre de vœux dans plusieurs formations sur Parcoursup. On y trouve notamment les BTS et les IFSI (instituts de formation en soins infirmiers), deux cursus particulièrement sollicités sur la plateforme. Le motif énoncé par les législateurs ? Une volonté d’assurer le bon déroulement de la procédure, lit-on dans le décret, quand deux organisations étudiantes, la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) fustigent des mesures qu’elles jugent « discriminatoires et xénophobes ». Au point d’en saisir le Conseil d’État pour réclamer le retrait de ces textes. Mais une première audience pour une suspension en urgence, organisée le 8 avril 2024, s’est soldée par une fin de non-recevoir, deux jours plus tard. Conclusion, les choses resteront en l’état pour les étudiants étrangers ciblés par ces textes. Nationalité, pays de résidence, diplôme de fin d’études secondaires, formation envisagée... En matière de procédure d’inscription en première année dans l’enseignement supérieur français, les étudiants étrangers ne sont désormais pas tous logés à la même enseigne.

Selon leur situation, ils soumettent une Demande d’admission préalable (DAP) sur le site Campus France, obéissant à un calendrier spécifique, ou sinon ils se rendent sur Parcoursup pour formuler des vœux. Jusqu’ici, la plateforme nationale d’admission n’opérait aucune distinction de provenance et de nationalité des candidats. C’est désormais chose révolue. De nouvelles modalités s’appliquent aux candidats non européens se destinant à suivre des études dans un établissement non concerné par la procédure DAP. Le fameux décret cible les candidats étrangers dont les études en France sont soumises à l’obtention d’un visa et qui n’ont pas obtenu ou ne préparent pas le baccalauréat français. Si le nombre maximal de vœux sur Parcoursup demeure fixé à dix, ils ne pourront saisir que 3 vœux dans les formations définies par l’arrêté du 6 février au rang desquelles on trouve : le brevet de technicien supérieur (BTS), le diplôme de comptabilité générale (DCG), les formations de mise à niveau en hôtellerie restauration, les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Dans la plébiscitée filière infirmière - elle figure en deuxième position des formations les plus demandées avec 658 893 vœux en 2023 - chaque candidat peut formuler jusqu’à cinq vœux. Les IFSI étant organisés en regroupements, un vœu correspond à un regroupement à l’intérieur duquel on sélectionne autant d’établissements que souhaité. On parle alors de sous-vœux. 

Ainsi, un candidat peut choisir jusqu’à cinq regroupements, chacun comprenant en moyenne dix à quinze établissements. « Je vous laisse faire le compte, lance Pauline Bourdin, présidente de la FNESI, cela représente plus de cinquante établissements par candidat ! » Soit autant de chances d’intégrer la formation convoitée dont les étudiants étrangers ne disposent plus, à présent cantonnés à trois vœux et trois sous-vœux en IFSI. Ce qui correspond tout au plus à neuf établissements… Pour défendre cette mesure, Jérôme Teillard, inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, en charge de Parcoursup, a avancé « la lourdeur administrative pour les équipes chargées de traiter les candidatures des étudiants extracommunautaires aux référentiels d’études différents de l’hexagone », rapporte une journaliste du Monde présente lors de l’audience au Conseil d’État. Autre argument mis en avant : la demande de visa intervenant après le dépôt de candidature compliquerait aussi l’aboutissement des inscriptions dans des formations aux capacités d’accueil limitées. De quoi laisser dubitatives la FNSEI et la FAGE pour qui réduire le nombre de vœux ne réglera pas cette problématique. « Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, cela concernerait 4 000 étudiants étrangers pour les IFSI, une part que nous estimons minime », observe la représentante des étudiants infirmiers. « Pourquoi ne pas changer la procédure de visa pour gagner du temps ? » clame-t-elle.

En attendant, les deux organisations pointent le manque de ressources des établissements, alors que le nombre d’étudiants ne cesse de s’accroitre. Dès lors, les candidatures sur Parcoursup se multiplient. « Le sous-financement chronique de l’enseignement supérieur français depuis plusieurs années impacte le nombre de places et les conditions d’examen des candidatures », assure Pauline Bourdin. Et de déplorer que les étudiants étrangers servent de « variable d’ajustement » au moment où le pays vient d’adopter la loi Immigration. Le ministère dément toutefois l’ombre d’une « considération politique ». Pauline Bourdin, elle, n’en démord pas : elle accuse ces textes d’instaurer « une rupture d’égalité alors que « le service public de l’enseignement supérieur doit participer à lutter contre les discriminations ». Pour l’heure, et bien qu’intervenu en pleine session 2024 de Parcoursup, l’arrêté est bel et bien entré en vigueur. Ainsi, les étudiants étrangers n’ont pu confirmer que trois vœux dans les formations visées. À l’écoute des arguments des deux parties, le Conseil d’État a maintenu l’application de cet arrêté. Prochaine étape pour la FNESI et la FAGE : convaincre l’instance du bien-fondé de l’annulation de ce décret qui ouvre la porte à de nouvelles limitations pour les candidats étrangers. Voire à des interdictions. Le texte prévoit en effet que pour les mêmes motifs [...] les candidats [visés] ne peuvent pas formuler de vœux d’inscription dans certaines formations » si le ministère en décidait ainsi à l’avenir. Les deux organisations étudiantes devraient à nouveau être reçues par le Conseil d’État pour en débattre. 

 

Focus

Étudier en France, un projet coûteux pour les étudiants étrangers

Depuis 2019, les étudiants étrangers extracommunautaires doivent payer des frais d’inscriptions majorés dans les universités françaises. Là où un élève européen payera 170 euros par an en licence et 243 euros en master, un étudiant non européen devra respectivement débourser 2 770 et 3 770 euros. Si en 2021-2022, ils étaient plus de 16% à bénéficier d’une exonération totale, seuls 13,5% ont profité de la gratuité de leur formation l’an dernier.

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