Actualité L’enseignement supérieur privé se trouve à nouveau épinglé
En bref
- Régulièrement épinglé, le secteur privé concentre 26 % des étudiants. Un rapport parlementaire formule vingt-deux recommandations pour réguler un système accusé de « dérives ». Les appellations des diplômes font particulièrement débat.
Une offre abondante, mais peu contrôlée
Le phénomène s’accélère depuis une dizaine d’années. L’enseignement supérieur privé séduit et concentre actuellement plus de 26 % des étudiants. Et fait souvent parler de lui pour le manque de lisibilité de ses formations. Et voilà qu’un nouveau rapport parlementaire, réalisé par deux députées, Béatrice Descamps (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) et Estelle Folest (Démocrate), enfonce le clou. Il épingle l’absence de régulation et les « dérives » des établissements. Mais aussi le flou qui entoure ce secteur. Les autrices révèlent en préambule la difficulté d’avancer des chiffres précis pour évaluer la taille de ce marché de l’enseignement... en raison de l’insuffisance de données publiques. Ce qui laisse tout loisir à ces établissements d’organiser leur communication marketing destinée à séduire les candidats en jouant notamment sur un calendrier et des conditions d’admission différentes de celles en vigueur sur Parcoursup. Pour tenter de mettre un peu d’ordre, la Fédération nationale de l’enseignement privé (Fnep) inaugurait en décembre dernier la plateforme Parcours Privé destinée à recenser les formations supérieures privées indépendantes. Comprenez : à but lucratif. Son président, interrogé par le CIDJ, assurait du contrôle par la fédération des établissements référencés – au nombre de 4 600 actuellement – le ministère de l’Enseignement supérieur n’étant pas associé à cette démarche. Conscient de la complexité de l’offre, celui-ci a d’ailleurs engagé des travaux en vue d’élaborer un nouveau label qualité pour ces formations privées, la plupart professionnalisantes ou en dehors de tout diplôme national. Les deux rapporteuses objectent qu’un « label seul ne permettra pas de réguler le système ». En attendant sa mise en place prévue pour 2025 ou 2026, elles proposent de cartographier les établissements et de créer une carte d’identité des formations.
Une carte d’identité pour chaque formation privée
Que recouvre l’enseignement supérieur privé à but lucratif ? Si elle reconnaît le caractère lucratif des établissements, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 ne définit pas pour autant son périmètre. Une lacune que les deux rapporteuses jugent indispensable de combler. Une cartographie des établissements permettrait alors un suivi pour « mieux connaître ces acteurs, les étudiants concernés et leur trajectoire ». La tâche pourrait revenir à l’Observatoire de l’enseignement supérieur. Ainsi, le privé lucratif n’échapperait plus aux radars des autorités, car l’un des enjeux centraux soulevé par Béatrice Descamps et Estelle Folest concerne la reconnaissance et le contrôle des formations dispensées. Un enjeu qui pèse sur la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des étudiants. Elles proposent donc l’élaboration d’une carte d’identité mentionnant pour chaque formation le statut juridique de l’établissement, le type de reconnaissance du diplôme ou de la certification et les possibilités d’accès aux bourses. Cet élément devra apparaître dans les supports de communication des établissements, mais aussi sur Parcoursup. Car si l’enregistrement des formations sur la plateforme demeure très encadré, celles en apprentissage peuvent y figurer, quel que soit le type d’établissement. Et cette modalité de formation contribuant fortement à l’expansion du privé lucratif, le rapport préconise de soumettre l’attribution des aides à l’apprentissage et l’indexation sur Parcoursup à une évaluation pédagogique orchestrée par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Encadrer les appellations des diplômes
Parcoursup constituant un passage quasi obligé pour les lycéens en terminale — y formuler des vœux ne coûte rien, quel qu’en soit le résultat — le rapport recommande de distinguer nettement les formations publiques, celles visées ou gradées, et les formations RNCP dont elles souhaitent un contrôle renforcé. Actuellement, des macarons se trouvent bien dans la partie « Certification » permettant par exemple de distinguer un « Diplôme conférant grade de licence contrôlé par l’État » d’un « Diplôme visé contrôlé par l’État ». Mais pour les formations certifiées par le Répertoire national des certifications (RNCP), pas de macaron le spécifiant. Elles portent parfois le nom de « Bachelor », une appellation non contrôlée par l’État et dont certains établissements abusent pour entretenir la confusion avec la licence puisque son cursus dure trois ans... Un manque de transparence et de lisibilité signalé dans le rapport. Ses autrices recommandent de limiter l’appellation de bachelor au secteur privé, ce qui impliquerait un changement de nom pour le bachelor universitaire de technologie (BUT) créé il y a seulement trois ans. Elles suggèrent même de réserver ce terme à toutes les formations privées d’une durée de trois ans. Et, dans la même logique, de décider d’un terme unique pour nommer les formations privées de niveau bac 5. Enfin, Béatrice Descamps et Estelle Folest insistent sur la nécessité de protéger davantage l’appellation « master », réservée aux formations publiques, en sanctionnant de manière effective et plus lourde son utilisation illégale qu’un rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dénonçait en 2022. Pour finir, les députées avancent l’idée d’un guide post-bac qui rappellerait aux jeunes et à leurs familles la signification des différents types de diplômes et de certifications existants. Il serait temps.