Du répit pour la planète Demain, voyagerons-nous autrement ?
En bref
- En matière d'environnement, les habitudes des jeunes changent bien que l’attrait pour l’avion demeure.
- Benoit explique ce qui l’a amené à privilégier le train lors d’un voyage entre la Russie et la France, alors que Valentin se trouve tiraillé entre son désir de voyage et celui de réduire son empreinte carbone.
- Des initiatives émergent pour inciter à recourir à des modes de transport plus respectueux de la planète.
Modifier progressivement ses habitudes
Deux bus et quatre trains différents. Environ 8 000 kilomètres parcourus à travers l’Europe. Mis bout à bout, le trajet a représenté pas moins de trois jours de voyage, dont 26 heures à bord d’un train couchette. Ce périple est celui qu’a réalisé Benoît, il y a cinq ans, alors étudiant à l’université d’Aix-Marseille et en échange universitaire à Nijni Novgorod en Russie. Son objectif ? Rentrer pour fêter Noël en famille, dans le sud de la France, en excluant toute étape en avion. Réduire son impact environnemental, le vingtenaire y songeait déjà depuis quelque temps en modifiant certaines de ses habitudes. « Avant de me lancer dans cette aventure, je privilégiais les déplacements à pied et je participais à des collectes de ramassage de déchets, l’été », raconte-t-il. Comme Benoît, ils sont nombreux parmi sa génération à s’inquiéter pour le climat. Une réalité révélée par une enquête du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) parue en 2019 – et confortée depuis par d’autres – alors que les marches et grèves pour le climat, initiées par la militante suédoise Greta Thunberg, battaient le pavé à travers le pays. L’environnement figure alors en tête des préoccupations pour 32% des jeunes de 18 à 30 ans. Pourtant, en pratique, leurs comportements demeurent consuméristes, selon les réponses recueillies.
Une conscience écolo mais des envies de voyage
Renoncer aux soldes, aux produits innovants ou high tech ? Bien que salutaire pour la planète, cette idée semblerait inenvisageable pour la plupart des jeunes adultes. Du côté des transports, même constat : si les moins de 30 ans optent pour le vélotaf – se rendre au travail en biclou – très souvent, ils souscrivent par ailleurs aux voyages en avion. En témoigne un sondage réalisé pour l’Alliance France Tourisme selon lequel les jeunes déclarent privilégier l’avion et la voiture pour partir en vacances. Un choix qui se rit du flygskam, terme suédois signifiant « la honte de prendre l’avion ». En cause ? L’abondance des vols low cost et la multiplication des compagnies aériennes aux tarifs alléchants. En attendant, un trajet Paris-Bordeaux en train émet par personne 77 fois moins de CO2 que l’avion, un chiffre qui comprend les émissions directes, la construction du véhicule et la production et distribution d’énergie. Conscient de l’impact de ses voyages, Valentin, ancien membre du réseau Erasmus Student Network, qui a participé à une conférence sur le sujet, se dit tiraillé : « Plus jeune, j’ai réalisé un échange universitaire en Angleterre, un volontariat au Danemark et aujourd’hui, je me déplace très régulièrement pour mon travail… Je ne voudrais pas que les générations futures soient privées de la chance de voyager ». Dès lors, comment assouvir son envie d’ailleurs sans sacrifier son empreinte carbone ?
Des initiatives pour voyager en polluant moins
Pour répondre à cette demande, des licences professionnelles et masters dans le domaine du tourisme intègrent davantage les questions environnementales. Et forment ainsi les futurs professionnels au « tourisme durable ». Cette dynamique se traduit par une offre qui cherche à s’adapter : hébergements touristiques labellisés « verts », agences proposant des excursions à vélo, outils numériques pour aider le consommateur à choisir un vol à moindre impact carbone… Auprès des plus jeunes, on constate de plus en plus d’incitations européennes à voyager en respectant l’environnement. Si bien que la Commission européenne organise, chaque année, un concours destiné aux jeunes de 18 ans permettant de gagner un Pass Interrail pour voyager principalement en train à travers l’Europe. Ce sésame, aussi accessible à tous en version payante, coûte entre 239 et 286 euros selon la formule. Du côté d'Erasmus+, le programme de mobilité à destination des étudiants, des apprentis et des jeunes professionnels, des actions se mettent en place également. Plusieurs centaines de milliers de participants ont déjà pris l’avion en Europe pour leurs études, un stage ou un échange dans le cadre du programme, selon Sébastien Thierry, directeur adjoint de l’agence Erasmus+ France. « Demain, ils seront 1 million à en bénéficier, soit autant de personnes potentielles à sensibiliser », remarque-t-il. C'est pourquoi, depuis 2020, sous l'impulsion de la Commission européenne, les participants perçoivent, en plus de la bourse Erasmus +, un forfait de 50 à 100 euros lorsqu’ils choisissent un mode de transport écoresponsable, tel que le train.
Focus
Évaluez les émissions carbone de vos déplacements
Il existe un outil très pratique pour connaitre l'impact environnemental d'un trajet selon le mode de transport et comparer les émissions de CO2 : https://impactco2.fr.
Concevoir le voyage autrement
Le train, c'est plus écolo, mais c’est aussi plus cher. Benoît, qui a profité d’un programme d’échange de son université (autre qu’Erasmus+), déclare avoir déboursé 460 euros pour son trajet, soit « entre 100 et 160 euros de plus » que ce qu’il aurait payé en avion, selon ses calculs. Mais pour Valentin, la question est aussi « philosophique ». Dans une société « où tout doit aller vite », difficile d’hésiter « entre un low cost à 20 euros ou un trajet de quinze heures en train », considère-t-il. Bouder l’avion se transforme souvent en un vrai casse-tête niveau organisation. Benoît a dû redoubler d’inventivité pour rallier le sud de la France en partant de Russie : « un train express rejoint bien Paris depuis Moscou en passant par la Biélorussie, explique-t-il, mais cela m’aurait posé un problème pour des questions de visa ». À défaut d’effectuer le voyage d’une seule traite, l’étudiant établit donc un nouvel itinéraire avec plusieurs correspondances : « en tout, j’ai pris quatre trains et deux bus pour rentrer », comptabilise-t-il. « Je suis passé par l’Ukraine, la Pologne, la Hongrie… L’avantage du train de nuit, c’est d’économiser l’hôtel. C’est plus long, mais j’en ai profité pour m’arrêter visiter Cracovie et Budapest ». Pour lui, le trajet fait partie intégrante du voyage : « l’excitation des vacances a commencé dès le moment où je me suis rendu à la gare ». Et de poursuivre : « j’en ai profité pour admirer le paysage qui défilait et mettre en pratique mes bases de russe en discutant avec les autres voyageurs ».
S’évader à quelques kilomètres de chez soi ?
Habitué des vacances lointaines et des voyages en avion depuis l’enfance, Benoît remet désormais en cause ce modèle. « L’idée n’est pas d’empêcher les gens de prendre l’avion, mais, pour ma part, j’examinerai à l’avenir les alternatives et si ça vaut le coup par rapport à la durée du séjour », explique-t-il. À ce propos, l’Ademe, l'Agence de la transition écologique, recommande sur son site de respecter un ratio entre la distance parcourue et la durée de l’escapade. Autrement dit, si l’on part loin, privilégier les longs séjours. « Mais s’éloigner autant pour les vacances s’impose-t-il ? », s’interroge Benoît. Une certitude, les séjours en France facilitent les déplacements en train. À ceci près que les coûts grimpent rapidement, ce mode de transport s’avérant parfois plus cher que l’avion ! Sans compter la concurrence de vacances à l’étranger qui présentent, dans bien des destinations, des atouts non négligeables : séjours tout compris, plus longs, taux de change avantageux… Idéal pour les budgets serrés, moins pour la planète. Alors, sans forcément inviter au staycation, contraction de stay et vacation, qui consiste à, volontairement, rester chez soi pendant les vacances, le principe de « micro-aventure » pour s’évader à seulement quelques kilomètres de chez soi constitue peut-être une piste à explorer ? Pas sûr que les 18-24 ans adhèrent. Ils sont moins d’un tiers à partir en France, selon un récent baromètre consacré aux vacances.