Conseils Révisions : peut-on hacker son cerveau pour booster sa mémoire ?

Laura El Feky Laura El Feky
Publié le 27-10-2023

En bref

  • La mémoire est sélective : certains souvenirs s'effacent plus vite que d'autres.
  • Le cerveau, loin d'être un simple disque dur, traite, conserve et restitue les données de manière active.
  • Des astuces simples et ludiques existent pour l'aider à mieux retenir, comme le jeu des questions-réponses, les phrases mnémotechniques ou la technique du chunking.
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La technique du chunking consiste à regrouper des informations en blocs ou en morceaux pour favoriser la mémorisation. Crédit : SerrNovik / iStock
Au-delà des techniques de mémorisation, le sommeil joue un rôle primordial dans la consolidation des connaissances. Crédit : CIDJ
Dans cet épisode, le Dr Jimmy Mohamed décortique les mécanismes de la mémoire et propose des solutions concrètes pour améliorer nos capacités de mémorisation Crédit : Lumni - France Télévisions

Le cerveau oublie vite, surtout les cours

Au moment où vous lisez cet article, vous l’ignorez peut-être, mais les mots voyagent de vos yeux à votre cerveau. Les cellules s'agitent et vos neurones se connectent entre eux. C’est un peu comme si votre cerveau créait de nouveaux chemins à chaque nouvelle information. Impressionnant, non ? Mais pourquoi certains détails s'effaceront-ils plus vite que d'autres ? « Pour mémoriser un concept, votre cerveau se met en réseau, mais ce réseau n'est pas stable », explique la neuroscientifique Mélissa Bonnet, auteure du livre Quand le cerveau apprend aux éditions ESF Sciences humaines. Déjà, le cerveau oublie vite. Surtout les cours. Car, dans la vie, les souvenirs chargés d'émotions, qu'ils soient positifs ou négatifs, ont tendance à se graver plus profondément dans notre mémoire. Interrogez vos proches : il y a de grandes chances qu'ils se souviennent précisément de ce qu'ils faisaient le 11 septembre 2001 ou le 13 novembre 2015, des événements qui ont suscité de fortes émotions. Par contre, tout ce qui semble plus anecdotique comme une formule de maths ou des citations en philosophie a bien plus de mal à s’ancrer dans la mémoire. « Selon la courbe d’Ebbinghaus, quand on apprend quelque chose, on a déjà oublié la moitié des informations au bout de 25 minutes », explique Auriane Gerbelot-Barillon, passionnée par le cerveau depuis l'âge de 10 ans et aujourd’hui doctorante en neurosciences à l’Institut des Neurosciences Paris-Saclay. 

« Les statistiques montrent qu'une information doit entrer environ 5 fois dans la tête pour qu'on la retienne » précise Mélissa Bonnet. Mais inutile de tout répéter cinq fois de suite : il faut laisser reposer. Pour apprendre efficacement une leçon, relisez votre cours le soir même, revoyez-le le lendemain, puis une semaine plus tard, et enfin un mois après. Il conviendra donc de ne pas s’y prendre à la dernière minute. « Le chemin neuronal quand il est utilisé, c’est une autoroute, remarque Mélissa Bonnet. Lorsqu'il ne l'est pas, il se met en jachère et l’information est plus difficile à récupérer. » Mémoriser, ce n’est pas seulement emmagasiner, c'est aussi être capable de restituer. « Une étude a été menée dans les années 90 sur deux groupes d’étudiants qui devaient apprendre une liste de mots, raconte Auriane Gerbelot-Barillon. Le premier groupe alternait des périodes d’apprentissage et des tests tandis que le second, bien qu'ayant autant de séances d'apprentissage, passait deux fois moins de tests. Résultat, 48 heures plus tard, les étudiants ayant eu quatre tests et quatre séances d’apprentissage ont obtenu de meilleurs résultats que ceux ayant eu deux tests et six séances d’apprentissage ». Morale ? « Passer beaucoup de temps à réviser donne l'illusion de connaître sa leçon, pointe la doctorante. Ces connaissances sont peu consolidées et risquent d'être oubliées ». Son conseil ? Se prêter au jeu des questions-réponses, seul ou en groupe, pendant les révisions. Vous pouvez aussi, comme Izaura, étudiante en licence 3 biologie et informatique, privilégier l'usage des flashcards.

Focus

Le stress, bon ou mauvais pour la mémoire?

Devant une feuille d’examen, êtes-vous du genre à sécher complètement ou au contraire à mieux réussir qu'en cours ? À petite dose, le stress peut être stimulant. Pour autant, un stress trop important est délétère, prévient Auriane Gerbelot-Barillon : il altère les capacités cognitives et la santé. Voir aussi notre vidéo Déstresser avant le bac : les conseils d'une sophrologue.

Autre astuce pour booster sa mémoire : donner du sens à ce que l’on apprend. « Les informations liées à des connaissances déjà acquises se consolident plus vite que les nouvelles », explique Auriane Gerbelot-Barillon. On a peu de chances de se souvenir d’une information isolée. » La mémoire à court terme, appelée aussi mémoire de travail (celle qui nous permet de retenir brièvement un code de validation, par exemple) nous garantit de stocker simultanément 9 informations maximum. « En revanche, si on relie les informations pour qu'elles aient du sens, on peut en retenir bien plus », ajoute la neuroscientifique. La technique du chuncking consiste à regrouper une grande quantité d'informations en catégories (environ 7), réduisant ainsi le nombre d'éléments à mémoriser. Par exemple, mémoriser 30 villes françaises devient plus facile si on les regroupe par région. Les phrases mnémotechniques facilitent aussi l'apprentissage. Il est plus aisé de se souvenir de la phrase "Laissant Son Kimono Bleu A Trois Gamins, Elle Put Maintenir Poutine" retenir le nom des dirigeants d'URSS plutôt que d'essayer de mémoriser Lénine, Staline, Khrouchtchev, Brejnev, Andropov, etc. Gardez aussi en tête que les nouveaux souvenirs sont plus fragiles. « Si on apprend plusieurs nouveaux thèmes en même temps, ils entrent en compétition et on risque d’en perdre une partie », remarque l'étudiante en thèse. Lors de l'élaboration de votre planning de révisions, prévoyez des pauses entre les matières. Votre capacité attentionnelle vous en remerciera. Car après un certain temps, le cerveau décroche et c'est normal.

« Être attentif ce n’est pas se forcer à l'être plusieurs heures d'affilée, rassure la docteure en neurosciences. Au contraire, c’est accepter d’avoir des phases d’inattention, mais garder la volonté de se remobiliser ». Surtout en cours où s'opère « la moitié du travail de mémorisation ». Or, avec un cerveau fatigué, il est difficile de produire cet effort d'attention de manière efficace. La neuroscientifique insiste : « au collège, il faut dormir 10h par nuit. Au lycée, c'est 8h30 environ. Le sommeil n'est pas du temps perdu, toute la mémoire de la journée se consolide pendant la nuit » rappelle-t-elle. Une bonne hygiène de vie, ainsi qu'une activité physique régulière, est essentielle pour aborder sereinement les révisions. N’oubliez pas de bien vous hydrater, car la déshydratation peut aussi nuire à la concentration. Il ne faut pas non plus perdre de vue qu’à l’adolescence, le cerveau n'est pas encore mature et ne le sera qu'à 25 ans. D'où l'importance d’éviter alcool et drogue qui peuvent faire de sérieux dégâts dans les régions cérébrales encore en développement. Avec les progrès de la médecine, « on peut changer beaucoup d’organes dans le corps humain mais pas de cerveau ! » conclut Mélissa Bonnet. De quoi apprécier la sensibilité et la fragilité de cet organe si précieux et d'en prendre grand soin pour préserver son bon fonctionnement à long terme.

 

 

 

Focus

Le cerveau n’est pas un muscle, et pourtant...

Ils ont la même logique ! Quand on n’utilise pas un muscle, il s’atrophie. Idem pour le cerveau : il ne s’use que si on ne s’en sert pas. La neuroscientifique Mélissa Bonnet aime répéter devant les classes où elle anime des cours et des conférences : « On est ce que l’on fait ! » En clair, on n’a pas de prédispositions à être bon ou mauvais en maths. En revanche, le cerveau d'un grand mathématicien sera différent de celui de quelqu'un allergique aux maths, car au quotidien, il n'utilisera pas les mêmes régions cérébrales.

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