Interview Entrepreneur et étudiant : avantages, risques et possibilités de financement
En bref
- Enseignante-chercheure en entrepreneuriat à Grenoble INP-UGA, Christel Tessier livre ses conseils aux jeunes qui souhaiteraient entreprendre en parallèle de leurs études. Recherche de financement, avantages du statut d'étudiant-entrepreneur, pièges à éviter, on fait le point.
Dans le cadre de ses fonctions d'enseignante-chercheure en entrepreneuriat à l'Université de Grenoble Alpes et à l'Institut polytechnique de Grenoble, Christel Tessier côtoie des étudiants qui revêtent parfois aussi la casquette d'entrepreneur. Si elle tient à souligner qu'en moyenne « la plupart des microentreprises ne réussissent pas », elle souhaite aussi mettre l'accent sur l'expérience que représente l'aventure entrepreneuriale, laquelle sera toujours valorisée sur un CV, que l'entreprise devienne ou non pérenne. Pour le CIDJ, Christel Tessier revient sur les possibilités de financement existantes, les pièges à éviter et la force du statut d'étudiant-entrepreneur.
Comment trouver des fonds lorsqu’on est étudiant pour financer son entreprise ?
Les étudiants peuvent suivre le modèle classique de financement. Ils peuvent avoir recours, s’ils ont besoin d’argent, au premier niveau, à la « love money ». Il s’agit de l’argent de ceux qui vous aiment tellement qu’ils vous prêtent, même en sachant qu’ils n’en reverront jamais la couleur. Concrètement, il s’agit des parents, grands-parents, de la famille. Ensuite, vous pouvez aussi penser au crowdfunding ou financement participatif. Comme il est facilement accessible et partageable en ligne, les jeunes l’apprécient et l’utilisent beaucoup. Le troisième échelon correspond aux subventions, prêts d’honneur et autres mécanismes financiers dédiés aux jeunes, disponibles, entre autres, via Bpifrance ou les Pôles étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (PÉPITE). Le recours à la finance citoyenne et aux « business angels » (ou « financeurs providentiels ») est un niveau d’amorçage de fonds encore supérieur. Si l’on acquiert des financements de ce type, ils pourront être utiles pour créer un effet de levier en allant voir des banques pour compléter des besoins éventuels. Ces dernières multiplient souvent l’investissement de départ par deux ou trois. Enfin, les jeunes entrepreneurs peuvent aussi passer par des fonds d’investissement quand le projet est plus mature.
Quels sont les risques à éviter lorsqu'on entreprend en parallèle de ses études ?
Comme le reste des entrepreneurs, les étudiants peuvent avoir tendance à se lancer seuls. Cette solitude constitue un vrai risque. Entreprendre, c’est passer beaucoup de temps sur son projet. On peut parfois être amené à rompre des relations sociales. Cet isolement peut être difficile à supporter et peut aussi entraîner une certaine « myopie » sur son projet. D’où l’importance d’être accompagné et formé. Ce qui maximise d’ailleurs les chances de pérenniser son entreprise. Plusieurs structures comme Pépite France, France Initiative, le Réseau Entreprendre, existent dans ce but et conseillent les étudiants. Mais le risque le plus important, pour moi, c’est de ne pas terminer ses études et de ne pas obtenir son diplôme. Je suis toujours très inquiète quand des étudiants viennent me voir pour me dire qu’ils abandonnent leur cursus pour se consacrer pleinement à leur entreprise. Avoir un diplôme rassure. C’est une forme de faire-valoir, surtout en France. Y compris d’un point de vue entrepreneurial, cela apporte une crédibilité supplémentaire à un profil, laquelle pourra jouer dans une future levée de fonds par exemple ou pour se créer un réseau.
Finalement, diriez-vous que le moment des études constitue la meilleure période de la vie pour entreprendre ?
Il me semble, oui. Même si le projet échoue, que votre entreprise n’est plus viable à moyen terme, cela reste toujours une expérience très enrichissante ! Elle pourra être valorisée sur un CV et permettra notamment aux étudiants d’acquérir des « soft skills ». Que ce soit des compétences managériales, de gestion financière, de négociation, de communication ou d’organisation, le meilleur moyen de les acquérir reste de les mettre en pratique. Par ailleurs, autre aspect très positif : on vous ouvre beaucoup plus de portes lorsque vous êtes jeunes. Pour réaliser une étude de marché par exemple, vous obtiendrez beaucoup plus facilement des réponses qu’en tant qu’adulte. Lorsqu’un étudiant souhaite lever des fonds, il y a également des dispositifs spécifiques pour les jeunes. L’un de mes étudiants est en ce moment en train de lever 2 millions d’euros pour développer sa boîte. En termes d’aides financières en France de nos jours, en particulier celles allouées aux jeunes, on constate que les fonds sont disponibles. Les études sont aussi un moment propice car, la plupart du temps, les étudiants sont encore pris en charge financièrement par leurs parents et n’ont pas encore de responsabilité familiale. Enfin, ils ont aussi les atouts du temps, de l'enthousiasme, de l'accès aux formations et sont en prise avec le monde actuel.