Métiers Influenceur : 5 idées reçues sur un métier méconnu

Laura El Feky Laura El Feky
Publié le 04-04-2022

En bref

  • Depuis une dizaine d'années, les influenceurs font la pluie et le beau temps sur les réseaux sociaux. Spécialisés dans l’humour, la mode, les sciences, le sport et même le handicap, ils captivent des millions d’internautes avec leurs vidéos. Mais en vivent-ils ? Tout le monde peut-il devenir influent ? À partir de combien de followers devient-on une star ? Éléments de réponses glanés auprès des intéressés.
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Devenir influenceur Crédit : Unsplash

Au risque de tuer dans l’oeuf bon nombre de vocations, la plupart des influenceurs ne vivent pas de leur activité. C’est l’occasion de tordre le cou aux idées reçues et d’apporter un éclairage cru sur une activité qui fait rêver. Et pour cause : peu de barrières à l’entrée mais aussi peu d’élus.

Faux ! « J’avais 25 000 abonnés quand une agence m’a contacté pour la première fois » se souvient Anne-Lise, une flair bartender (jongleuse de bar) normande suivie par 139 000 followers sur Instagram et 350 000 sur TikTok. Quand on parle d’influenceurs, on pense aux stars des réseaux sociaux comme Squeezie, Léna Situation, Norman ou Enjoyphenix. En réalité, sur les 150 000 influenceurs, les très gros comptes ne sont qu’une minorité.

En France, « le nombre médian d’abonnés d’un influenceur se situe à 10 000 personnes » explique Guillaume Doki-Thonon, fondateur de Reech, une société spécialisée dans le marketing d’influence. Néanmoins, « avec 1 000 abonnés, on peut déjà commencer à intéresser les marques, poursuit-il. Au départ, ça sera des envois de produits gratuits aux influenceurs pour qu’ils les testent et en parlent à leur communauté ». C'est « autour de 5 000 abonnés », que l'on peut espérer toucher une rémunération. Environ « 50 à 100 euros » pour un prise de parole qui permet, à défaut de se verser un salaire, de rentrer dans ses frais. Au fur et à mesure que le nombre d’abonné augmente, les revenus suivent.

Mais il n’y a pas que la taille de la communauté qui compte, il y a aussi son engagement. Certains influenceurs de niche, de part leur expertise sur un sujet très précis, peuvent intéresser les marques même s’ils ne sont suivis que par une audience limitée. Ce qui définit un influenceur, c’est sa capacité à relayer des opinions qui auront une influence sur ses abonnés et leurs habitudes de consommation.

Vrai et Faux ! L’influence n’est pas une mince affaire. Entre le temps passé à trouver des idées, tourner des images, les monter et les mettre en ligne, on atteint rapidement près d’« une quarantaine d’heures de travail pour une vidéo de 10 à 20 minutes » calcule Louanne, 22 ans, influenceuse et youtubeuse « humour et voyage » derrière le compte Louannemanshow. Sans compter tout le travail lié à la gestion d’une petite entreprise de communication : « les échanges commerciaux avec les marques, les réponses à apporter aux commentaires publiés sur les réseaux sociaux, la comptabilité de la société…c’est du délire ! » reconnaît la Youtubeuse qui collabore avec des marques comme l’UCPA ou la SNCF. C’est pourquoi, il y a deux ans et demi, elle décide d’arrêter ses études d’art qui ne lui plaisent pas pour se consacrer à 100% à sa chaîne. A l’inverse, Anne-Lise alias annelise_bartender7 a préféré conserver ses prestations dans l’évènementiel en parallèle de son activité sur les réseaux sociaux et de ses partenariats avec des marques de jus de fruit, de glaces ou de spiritueux. « Seuls 15% des créateurs font de l’influence à temps plein, pointe Guillaume Doki-Thonon. Pour les autres, c’est plus une passion ou une activité secondaire ».

Autour de l'influenceur, gravitent également de nombreux métiers. Des brand content manager vont intervenir pour élaborer une stratégie marketing reposant sur le pouvoir d’influence d’un ambassadeur pour promouvoir une marque. Des agents d’influenceurs sont également là pour accompagner leur carrière, des spécialistes de la big data sont sollicités pour évaluer l'efficacité d'une campagne, des avocats ou juristes peuvent être spécialisés en droits des influenceurs… En effet, qu’il s’agisse d’un « passe-temps » ou d’une activité à temps plein, des règles existent. Le travail des enfants influenceurs sur les réseaux sociaux est par exemple très encadré. 

Lire aussi notre article sur la loi encadrant le travail des mineurs influenceurs.

Souvent mais pas uniquement ! « Les réseaux sociaux font partie des premières sources d’information des jeunes » avance Sophie Jehel, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8. Les marques ne peuvent pas se permettre de ne pas y être mais elles savent aussi que « les jeunes fuient plutôt la publicité ». Le message publicitaire est alors dilué dans un contenu divertissant. Et ça marche : « Pour une marque, l’influence est dix fois plus rentable que la publicité » note Camille Jourdain, consultant en marketing d’influence.

Pour autant, les influenceurs ne peuvent pas faire n’importe quoi. Vis-à-vis de leur communauté et pour ne pas trahir leur confiance, « 3 créateurs sur 4 disent avoir déjà refusé un partenariat, notamment parce qu’ils n’aimaient pas le produit ou n’étaient pas en phase avec les valeurs de la marque » révèle une étude publiée par Reech. Mais surtout, l’influence, comme tout levier publicitaire, est règlementée. La publication doit respecter les règles qui encadrent la publicité, lorsqu’il s’agit par exemple de jeux d’argent ou d’alcool. Quand un programme contient des messages promotionnels ou un contenu sponsorisé, l’internaute doit en être informé explicitement avant consultation.

En savoir plus sur l’Observatoire de l’influence responsable pour l’ARPP.

Faux ! « Les plateformes comme Youtube ou TikTok rémunèrent les influenceurs en fonction du nombre de vues, explique, Guillaume Doki-Thonon. Via le fond pour les créateurs TikTok, « un créateur suivi par 5 000 abonnés expliquait en toute transparence qu’il touchait 2 euros par jour ». Le gros de la rémunération d’un influenceur vient surtout des partenariats conclus avec des marques de consommation ». En fonction de la taille de son audience, un annonceur peut proposer à un influenceur un placement de produit, un partage de code promo, l’organisation d’un jeu concours, des invitations à un évènement, la co-création d’une collection… Tout ça pour une rémunération très variable. Selon les chiffres publiés par l’agence d’influence marketing, Influence4you, le prix « d’un post Instagram sur un vrai compte d’influenceur de 50 000 followers varie entre 250 et 750 euros ».

Le statut de l’influenceur peut également varier. En général, il exerce comme indépendant, sous le statut de micro-entrepreneur, ou éventuellement comme salarié auteur, artiste ou mannequin selon le contrat passé avec la marque. Mais ne vous imaginez pas gagner des millions : « 85% des influenceurs gagnent moins de 5 000 euros par an, insiste Guillaume Doki-Thonon. Par conséquent, beaucoup choisissent de se diversifier ». Comme ils sont déjà suivis et appréciés par une communauté, ils obtiennent plus facilement les soutiens nécessaires pour se lancer dans de nouveaux projets comme le lancement d’une marque de vêtement ou de produits dérivés, la commercialisation de coaching individualisés ou l’écriture d’un livre.

Oui mais… ! La plupart des influenceurs se sont lancés par passion et avec l’envie d’exprimer un point de vue, de s’amuser ou de donner des conseils dans un domaine spécifique. Ça n’empêche que la création de contenu sur les réseaux sociaux demande un certain sens de la créativité et des compétences rédactionnelles, stratégiques et techniques. Voire juridiques et comptables, quand les affaires commencent à devenir sérieuses ! Sans oublier la rigueur et le sens de l’organisation qui sont de mises lorsqu’il s’agit de respecter le planning de publication convenu avec les annonceurs. Le consultant Camille Jourdain, ajoute : « Tout évolue très vite, il faut s’adapter aux nouveaux formats et fonctionnalités proposées par les plateformes mais aussi à l’actualité. Pendant le confinement, lorsque les activités extérieures étaient à l'arrêt, les thématiques bricolage et déco ont progressé ».

Toutefois il n’existe pas de formation spécifique pour devenir influenceur. Certains ont suivi des études en lien avec leur sujet de prédilection (sport, mode, histoire, sciences...) d’autres ont une formation plus généralistes en marketing ou communication. Certaines formations en école de commerce ou de communication intègrent par exemple des modules sur le marketing d’influence. Côté université, les BUT communication ou métiers de l’internet et du multimédia permettent d’acquérir des compétences dans la réalisation de supports de communication. Quant aux questions d’éducation aux médias, de droit de la presse et de la publicité, elles sont abordées à la fac au sein des études d'information et de communication.

 

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