Témoignage Criminologue et victimologue : "On n'est pas des profilers !" - le témoignage d'Alexia
En bref
- Alexia est psychologue spécialisée en criminologie-victimologie. En tant qu’experte judiciaire auprès de la cour d’appel de Rennes, elle est régulièrement sollicitée pour dresser le profil psychologique des victimes ou des criminels présumés. Un métier en réalité bien loin du « profiler » du FBI qu’on voit dans les séries TV policières américaines, mais non moins passionnant !
En France, on compte un peu plus de 500 experts judiciaires psychologues.
En quoi consiste votre métier de psychologue criminologue victimologue ?
Alexia, psychologue spécialisée en criminologie victimologie : "J’exerce comme psychologue clinicienne en libéral et à côté je réalise des expertises pour la cour d’appel de Rennes.
Je suis appelée par le procureur ou par la gendarmerie sur une centaine de dossiers par an. Le plus souvent les affaires concernent des cas d’agressions sexuelles mais je peux aussi être appelée lors de violences conjugales.
On me demande de mettre en relief les traits de la personnalité d’une personne, soit victime soit mis en cause dans une affaire judiciaire.
Lors d’une expertise psychologique on met de côté l’aspect thérapeutique. On ne soigne par l'intéressé, on est là pour prendre une photographie du psychisme d'une personne à un moment donné. On met en lien l’évènement avec les traumatismes qu’une personne a subi ou dont il est l’auteur.
Plus rarement, je peux aussi être appelée par le juge des enfants lors d’un divorce pour analyser ce qui peut être mieux pour l’enfant."
Est-ce que votre métier ressemble à celui des profiler dans les séries TV ?
Alexia : "Ce que l’on voit dans les séries comme les experts ou Esprits criminels est bien loin de la réalité !
Déjà il faut savoir que le métier de profiler n’existe pas en France. En revanche, ici on a des criminologues victimologues qui interviennent en tant que spécialiste du comportement humain.
Je ne me prononce pas sur la culpabilité ou non d’une personne mais plutôt sur la compatibilité entre les dires de la personne et sa personnalité. Notre expertise peut aussi aider un juge à décider si un accusé est prêt psychologiquement à sortir de prison et à se réinsérer dans la société par exemple."
Comme se déroule une expertise en criminologie victimologie ?
Alexia : "Quand on me confie une expertise je passe d’abord beaucoup de temps à lire les auditions, je me plonge dans les éléments qui accompagnent le dossier et qui vont m’aider à préparer l’entretien.
Ensuite je reçois dans mon cabinet la victime ou le mis en cause. Nous passons entre 1h30 et 2h seul à seul et j’essaie de créer un climat de confiance.
Lorsqu’il s’agit d’un mis en cause, il faut retracer son parcours de façon neutre sans être dans le jugement. Il faut faire preuve de beaucoup d’écoute et d’objectivité même lorsqu’il s’agit d’actes horribles.
Lorsque la personne est victime on procède par exemple à un examen de retentissement psychologique pour évaluer l’impact psychologique consécutif à l’agression. Cela va permettre une reconnaissance par la justice du traumatisme psychique subi par la victime.
Dans les deux cas, une fois l’entretien terminé je rédige un rapport. C’est lourd en responsabilité et il faut être le plus juste et le plus droit possible.
Ça arrive aussi, mais assez rarement, d’être appelé à témoigner à la barre lors d’un procès. C’est ce que j’aime le moins, c’est très protocolaire. Au tibunal, il y a une forte mise en scène et c’est impressionnant ! L’avocat, pour l’intérêt de son client, peut essayer de mettre à défaut ce que l’on défend dans le rapport."
Pourquoi avez-vous choisi de faire des études de psychologie ?
Alexia : "Je ne me suis pas orientée vers la psychologie tout de suite. Pensant que je n'étais pas faite pour les études longues j'ai d'abord préparé un CAP en vente après la 3ème puis un bac STT.
Finalement, après le bac j'ai eu envie d'aller à la fac pour gagner en autonomie. J'ai choisi spontanément la psychologie car étudier l'humain m'intéressait. Je l'ai fait au départ juste pour le plaisir d'apprendre et puis le fonctionnement de l'université m'a bien correspondu.
Arrivée en maîtrise (remplacé aujourd'hui par le M1, ndlr) j'ai réalisé que je n'étais plus très loin de pouvoir devenir psychologue et je me suis dit : pourquoi pas ? "
Quelles études avez-vous suivi pour devenir psychologue criminologue victimologue ?
Alexia : "En licence de psychologie j’ai pris l’option criminologie. L’approche est différente puisque l'on ne parle plus de pathologie. On analyse l’individu dans son environnement, dans sa globalité, on fait des liens de cause à effet plus rapidement. C’est un angle de vue plus élargi que j’ai trouvé intéressant.
En parallèle de ma maîtrise (aujourd’hui remplacé par le Master 1, ndlr) que j’ai choisi de passer en deux ans au lieu d'un, j’ai validé un Diplôme universitaire (DU) en criminologie puis un autre l'année suivante en sciences criminelles. Ce ne sont pas des DU réservés aux psychologues. On est formé au droit pénal, à la médecine légale...
J’ai ensuite intégré un Master 2 qui m’a permis d’obtenir le titre de psychologue.
Ensuite, pour faire des expertises judiciaires il faut passer un concours sur dossier. L’année où je l’ai passé on était 235 candidats, toutes spécialités confondues. Nous étions 35 à être retenus, j’étais la seule psychologue. On a été reçu à la cour d’appel de Rennes pour prêter serment. Les dorures, les magistrats en robes…c’était impressionnant, je ne m’attendais pas à ça. Il y avait un côté très solennel !"
Propos recueillis en 2016.
Focus
Les experts judiciaires sont des professionnels de toutes les spécialités (médecine, agroalimentaire, culture et communication….) qui mettent une part de leur activité au service de la justice. Leur rôle est d’apporter un avis technique sur certains points précis. Ces professionnels sont inscrits sur une liste établie par la cour d’appel, après examen de leur candidature. Ils sont désignés par la cour d’appel et les tribunaux à l’occasion de litiges.
es expertises judiciaires sont rémunérées à la mission. La loi fixe le tarif d’une expertise psychologique à 172,80 € et ce quel que soit le temps passé sur l’expertise. Un tarif souvent jugé trop bas par les professionnels car le travail est conséquent : consultation du dossier, entretien avec l’intéressé puis rédaction d'un rapport. Le nombre de psychiatres, (qui sont payés un peu plus) inscrits comme experts a chuté de moitié ces six dernières années, les psychologues pourraient suivre le même mouvement.