Actualité Mixité scolaire : les parents d’élèves favorisés se ruent sur le privé

Florian Mestres Florian Mestres
Publié le 17-11-2022

En bref

  • À la suite d’un recours formé devant le tribunal administratif de Paris, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse s’est vu contraint de rendre publics les indices de positions sociales (IPS) des écoles et collèges. De quoi révéler de grandes disparités, en matière de mixité sociale, entre les établissements publics et les écoles privées sous contrat.
fracture-sociale-ecole-college-public-prive-ips_2.jpg
La fracture sociale entre le public et le privé - pour les écoles et les collèges - est objectivée par la publication des indices de positions sociales. Crédit : Burst - Nicole De Khors

«?L’enjeu [pour le gouvernement], c’est la démocratisation de l’école : faire que les inégalités sociales soient mieux effacées, mieux combattues par le système. Pour l’instant, ce n’est pas le cas?». Pap Ndiaye, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, n’a pas tourné autour du pot, a minima sur ce constat, dans l’émission «?Quotidien?», du 9 novembre 2022. Et pour cause, en juillet, le tribunal administratif avait contraint son ministère à révéler les indices de positions sociales (IPS) des écoles élémentaires et des collèges. Et les conclusions révélées récemment sont sans appel : les élèves les plus favorisés fréquentent davantage les écoles privées sous contrat. Ainsi, si l’on compte 14,1 % d’écoles privées sous contrat, elles ne représentent que 3,2 % des écoles ayant un IPS inférieur à 90 et 60,3 % des écoles avec un IPS supérieur à 140. Idem au collège où les privés sous contrat (23,8 % des établissements) représentent 77,9 % des établissements très favorisés (IPS supérieur à 140). 

La formule est simple : pour obtenir l’IPS d’un établissement, faites la moyenne des différents IPS des élèves. Et pour calculer cet indice, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) prend en compte de multiples données. La catégorie socioprofessionnelle des parents, leurs diplômes, les conditions matérielles du foyer (revenus, possession pour l’enfant d’une chambre individuelle ou partagée, disponibilité d’un ordinateur, etc.), le capital culturel (notamment le nombre de livres dans le foyer), les pratiques culturelles (loisirs, cinémas, musées, etc.), l’implication et l’ambition des parents dans la scolarité de leurs enfants. Ainsi, pour la période 2021-2022, l’IPS national moyen des écoles élémentaires (publiques et privées sous contrat) se porte à 102,77. Tout en haut, l’indice de position sociale le plus élevé pour un établissement s’élève à 155,6 dans les Yvelines (Buc). Le plus bas se trouve à Maripasoula, en Guyane (49,6) et pour le territoire métropolitain, à Perpignan (54,6). 

Au niveau des collèges, l’IPS national moyen s’établit à 103,36. Là encore et même de façon plus accrue, la part des établissements privés sous contrat augmente à mesure que l’IPS des collèges s’envole. Ainsi, seuls 5,7 % des collèges privés sous contrat possèdent des indices de positions sociales inférieurs à 90. A contrario, 61,7 % des collèges disposant d’un indice entre 130 et 140 sont des lieux d’enseignements privés sous contrat (38,3 % sont des collèges publics). Pour les collèges ayant des IPS supérieurs à 140, le taux d’établissements privés sous contrat culmine même à 77,9 % (22,1 % de collèges publics).

L’atténuation de ces disparités constitue, comme a souhaité le rappeler le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, l’une des «?priorités?» de son ministère. Celui-ci souhaitait, au départ, ne pas rendre publics les chiffres des IPS des écoles et collèges. D’une part, de façon à ne pas divulguer des données personnelles relatives à chacun des élèves et, d’autre part, dans le but de ne pas accentuer encore l’évitement des établissements possédant les indices les plus faibles. Le tribunal administratif de Paris, dans son jugement du 13 juillet dernier, a réfuté le premier argument au motif que les indices collectés et concernés par la demande de publication étaient des données collectées par établissement et non par élève.

Tout en qualifiant de «?légitime?» la crainte de la «?fuite?» des établissements à faible IPS, la juridiction administrative a retenu que cet argument ne figurait pas dans les exceptions juridiques permettant de valider la non-publication des chiffres des IPS. À ce jour, les données publiées sous la contrainte du tribunal administratif par le ministère ne concernent pas les lycées. Le recours formé par le journaliste Alexandre Léchenet, qui a permis de mettre au jour toutes ces données, ne portait en effet que sur les indices des écoles (en particulier les classes de CM2) et des collèges, obligation de publication à laquelle s’est limité le ministère, en stricte application du jugement. La publication des IPS des lycées n’est donc certainement plus qu’une question de temps, pour de nouvelles révélations et de futures polémiques. 

Nous rencontrer Nous rencontrer

Le réseau Info jeunes est accessible à tous les publics (collégiens, lycéens, étudiants, salariés, demandeurs d'emploi...) mais aussi à leurs parents, à leurs enseignants et à tous les travailleurs sociaux. L'accès est libre et gratuit.