Témoignage Études supérieures et handicap : des étudiants témoignent

Odile Gnanaprégassame Odile Gnanaprégassame
Publié le 09-10-2018

En bref

  • Suivre des études supérieures avec un handicap nécessite de s’accrocher plus que les autres. Les parcours sont plus longs et plus incertains. Florence, Dimitri*, Pauline, Yuna*, Géraldine, Kadi Kittelberger, maman d’un étudiant, et Stéphane Brunat, responsable d’un relais handicap, nous font part de leurs expériences.
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Etudes supérieures et handicap : des étudiants témoignent Crédit : Davide Cantelli - Unsplash

« Un jour, un professeur m’a dit qu’il valait mieux arrêter la fac si j’ai des problèmes de santé », raconte Florence, 35 ans. Diplômée d’un master en droit, elle a connu des complications à partir de la licence. Des difficultés personnelles l’ont menée à une dépression et une hypersensibilité. Un problème de santé reconnu et pris en compte comme situation de handicap par la médecine préventive de l'université où elle étudie. Malgré tout, concilier handicap et études supérieures s’est révélé parfois compliqué.

Florence a bien obtenu un accompagnement grâce à la mission handicap de son université. Depuis la loi pour l’égalité des chances de 2005, chaque établissement dispose d’une structure de ce type pour accueillir et accompagner les étudiants dont la poursuite des études nécessite des aménagements. Cette loi rappelle d’ailleurs ce qui constitue un handicap : « […] toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».

Transmission des notes de cours sous forme de fichier numérique, dispense d’assiduité, prise de note, temps supplémentaire pour les examens, aide financière pour du matériel, place de parking proche de l’entrée… En fonction des besoins, diverses mesures sont prescrites par la médecine préventive. « En prenant connaissance du dossier médical de mon fils, la médecin a demandé à ce que les cours soient mis en ligne sur l’intranet de la fac par les professeurs avant le cours », explique Kadi Kittelberger, maman d’un étudiant autiste atypique inscrit à l’université de Nice. Ainsi, le jeune homme de 22 ans, qui doit gérer des problèmes de santé nécessitant une surveillance et un traitement, a pu imprimer et suivre plus sereinement les cours. Et la cellule d'accompagnement des étudiants en situation de handicap (CAEH) de l’université lui a fourni un ordinateur.

L'accompagnement s'adapte aussi aux besoins des étudiants qui peuvent évoluer au cours des études. « Lors de la 2e année universitaire, Valérie Dall’o, responsable de la CAEH, m’a sollicitée pour faire le point sur les besoins de mon fils car il lui semblait exténué. On a repris point par point son emploi du temps. Elle a été très humaine, elle a compris que ses journées étaient chargées, avec un traitement contraignant au niveau des horaires. De plus le contrôle continu tous les 15 jours n’était pas tenable pour lui. Elle a proposé de mettre en place un contrôle terminal à la place », précise Mme Kittelberger. Pauline, qui vient d'être diplômée en licence de musique et musicologie, est également satisfaite des mesures dont elle bénéficie. En fauteuil, elle s’exprime à travers une synthèse vocale ou un tableau de communication. Lui ont été accordés, un preneur de notes, 2 heures de tutorat et un double temps pour les examens. Dispensée d’assiduité en TD, Florence déplore que la médecine préventive n’a pas estimé nécessaire de lui attribuer le tiers temps pour passer ses examens. Son traitement lui occasionnant des troubles de mémoire et de concentration, elle trouve que cela lui a porté préjudice lors d’un examen auquel elle n’a pas pu répondre à toutes les questions.

« On travaille sur l’accès au contenu des cours, avec des outils et des moyens en fonction de l’autonomie de l’étudiant. L’idée est de développer l’autonomie en proposant des aides adaptées », précise Stéphane Brunat, responsable du Relais handicap à l’université de Nantes. Mais pour en bénéficier, il faut savoir qu’elles existent, ce n’est pas toujours évident. Dans une autre université, l’année était déjà entamée lorsque Dimitri, 21 ans, a appris l’existence de la structure d'accueil handicap, au détour d’un affichage dans les couloirs. Souffrant d’un handicap psychologique depuis la terminale, il s’est inscrit à l'université en se disant qu’il verrait bien comment ça se passe. Sa rencontre avec le relais handicap lui a permis d’obtenir une dispense d’assiduité aux TD et TP, ainsi que du tutorat. Il est en première année de licence de biologie, et les TP comptent pour 50 % des enseignements à connaître pour les partiels… Or il n’a pu assister qu’à très peu de TP et n’a pas pu encore bénéficier d’un tuteur pour lui remettre ses notes de TD, faute de candidat.

« Lorsque j’ai sollicité les profs pour qu’ils me donnent les cours, ils me disaient de demander à un étudiant. Je les comprends, ils ne voulaient pas créer d’inégalités avec les autres étudiants », indique Dimitri. Il n’a pas d’autre choix que de potasser seul les sujets de TD sur le web en s’entraînant à faire et refaire des exercices. Pas suffisant pour réussir ses partiels. Il redouble son année. Yuna, 27 ans, en licence LLCE et dispensée d’assiduité, a fini par rencontrer elle-même sa tutrice lors d’un partiel. Elle a raté pas mal de cours entre temps. Pour l’année prochaine, elle a opté pour un enseignement intégralement à distance dans une autre université. « Cela me convient mieux, je suis sûre de recevoir les cours ».

Géraldine, 38 ans, dont un problème de santé lui rend difficile la station debout prolongée, a dû faire face au scepticisme de sa directrice de formation lorsqu’elle a voulu passer un diplôme pour une reconversion. « J’ai fourni un travail plus important que les autres étudiants pour réussir. Je devais compter quasiment le triple de temps pour effectuer un travail ! », explique-t-elle. En cause, des problèmes de concentration dus à son traitement. « Mais j’ai tout fait pour rendre mes travaux à temps, pour rentrer dans le moule. A la fin de l’année, cette même directrice de formation m’a félicité de ma volonté et de ma réussite ». Quant à Dimitri, il est parvenu à valider la moitié de ses cours lors de sa 2e première année de licence. Un progrès par rapport à l’année précédente qu’il attribue à l’évolution de son handicap. Des symptômes physiques de son handicap l’empêchent de suivre un cours du début à la fin ou de passer ses partiels dans une salle avec les autres étudiants. Il a été autorisé à passer ses partiels seul dans une salle. « Maintenant, je réussis à rester dans une salle de cours plus longtemps, je me suis adapté ». Un suivi extérieur et le travail sur soi entrepris l’aident aussi à gérer cette situation.

Ce qui fait le handicap c’est aussi l’environnement. « Nous essayons de sensibiliser les enseignants, la communauté universitaire de manière générale, car nous sommes tous en mesure d’être impliqués dans l’aide humaine apportée aux étudiants en situation de handicap », déclare Stéphane Brunat. Il a lui aussi été étudiant en situation de handicap au début des années 90, il se souvient du peu de moyens, il fallait se débrouiller, l’accessibilité physique était inexistante. Dans sa fac, Pauline a connu quelques problèmes d’accessibilité pour se rendre d’un endroit à un autre. Problème résolu depuis que le département musique a déménagé dans un bâtiment plus pratique.

Un obstacle semble persister quant à l’appréhension du handicap psychique. « Le handicap psychique est méconnu même incompris. Il renvoie l’image de l’étudiante qui ne va pas bien dont certains professeurs ne veulent pas dans leur cours », confie Florence. Elle dit même s’être sentie exclue du système lorsqu’elle a dû passer deux examens à l’oral alors qu’elle pensait mieux les réussir à l’écrit. Elle affirme qu'elle aurait préféré que ses profs soient au courant de son handicap pour faciliter la communication. Stéphane Brunat reconnaît que, malgré une « meilleure prise en compte des troubles psychologiques et des troubles dys, il y a des handicaps non visibles dont il faudrait améliorer la prise en compte et la prise de conscience ».

Les étudiants n'ont pas conscience que certains étudiants en cours avec eux sont dans une situation de handicap. Dimitri ne veut pas être pris pour un profiteur s’il demande leurs notes de cours à ses camarades. « Ils ne me voyaient pas beaucoup, ils pouvaient penser que je n'étais pas bosseur. A partir du moment où j'ai assisté de plus en plus aux cours, ça a changé ». Yuna n’est pas très présente à la fac puisqu'elle est dispensée d’assiduité. « C’est difficile de se créer une vie sociale dans ces conditions. Mais il y existe un groupe Facebook d’entraide entre étudiants ». Géraldine ne s’est pas sentie différente des autres étudiants. « Tout le monde a été très sympa sans en faire trop. Un jour, je ne me sentais particulièrement pas bien, un étudiant est allé chercher une chaise plus confortable pour m’asseoir et une chaise pour que je puisse reposer ma jambe ».

Pour Pauline la relation avec les autres étudiants n’est pas facile. « Ils ne me parlent pas beaucoup. Je n’ai pas d’activité étudiante. Je ne suis allée qu’à une soirée souvent par manque d’accessibilité mais aussi par manque d’amis ». Kadi Kittelberger rapporte que son fils s’est bien intégré à la vie universitaire. Cela a demandé du temps et des ajustements. « Il est installé en cité universitaire au sein de la fac, reçoit la visite quotidienne d’infirmier et d’une auxiliaire de vie. Il a réussi à créer un lien avec d’autres étudiants, il fait même du basket avec certains d’entre eux chaque semaine. L’équipe pédagogique sait comment communiquer avec lui. Il faut savoir que l’autisme génère une forme d’égocentrisme et la communication verbale se fait sans mettre les formes. Ceux qui ne connaissent pas mon fils peuvent le trouver abrupt au premier abord. Mais je constate une évolution à ce sujet depuis sa 1re année. »

Yuna veut terminer sa licence et envisage un master. « Je n’ai pas d’idée fixe, je verrais comment je m’en sors parce que c’est difficile de suivre des études dans ma situation ». Même discours pour Dimitri. « J’ai moins de visibilité sur la suite. J’aimerais faire un master en biologie cellulaire. Je vais voir au fil du temps ce que je pourrais faire ».

« Tant que l'on peut accompagner les étudiants en situation de handicap aussi loin que possible dans les études, il faut le faire. J'ai bon espoir que mon fils va réussir à devenir traducteur assermenté comme il le souhaite, ses professeurs disent qu'il est doué. Je suis positive », conclut Kadi Kittelberger.

*Les prénoms ont été modifiés.

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