Enquête En école de production, la pratique d’un métier au cœur des enseignements
En bref
- Avec 42 établissements en France, les écoles de production accompagnent les jeunes en difficulté scolaire ou les décrocheurs vers la pratique d’un métier dans des secteurs variés et pourvoyeurs d’emplois.
"Le faire pour apprendre". Voilà la base de l’enseignement dans les écoles de production. Ces établissements privés hors contrat permettent de préparer un CAP et/ou un bac professionnel dans plusieurs domaines (métallerie, restauration, automobile, électronique…) en tension (où il y a plus d’offres d’emploi que de demandes, ndlr). Ces écoles s’adressent à des jeunes en difficulté scolaire majoritairement âgés de 15 à 18 ans. « Nous accueillons principalement des jeunes qui sortent du collège et qui ne se sentent pas d’intégrer un CFA ou un lycée professionnel » explique Antoine Martin directeur de l’AFEP, une école de production à Saint Etienne qui propose des formations en textile, mécanique et métallerie.
« Quand j’ai intégré mon école cela faisait un an que j’étais déscolarisé » explique Ewan qui a suivi un CAP Agent Polyvalent de Restauration à l’école de production de Rouen. « Tous les élèves avaient eu un parcours scolaire difficile et la plupart avait même décroché. Il n’y avait pas de peur d’être pointé du doigt par les autres et aucune raison d’avoir honte ».
En école de production : petits effectifs, soutien et autonomie
Au sein d’une école de production les effectifs des classes sont réduits. « Nous comptons que pour un maître professionnel il faut 10 à 12 élèves maximum » note Patrick Carret, directeur général de la fédération des écoles de production. « Ça permet de créer une vraie entraide entre élèves » explique Hippolyte qui a passé un CAP et un bac pro dans une école de production dans le domaine de la métallerie. « Comme, pour la plupart, nous avons continué en bac pro, nous avons été ensemble pendant 4 ans et de vraies amitiés se sont créées ».
Les jeunes que nous recevons ont des parcours souvent difficiles, tant au niveau familial que scolaire. Ils trouvent ici une écoute. Quand ils arrivent, la plupart pensent qu’ils sont juste voués à l’échec. Nous essayons d’aller contre ça et de leur montrer les choses différemment » explique Michel Chourin, président de l’association Education et formation qui a créé l’école de production de Rouen. « Ce que j’ai beaucoup apprécié dans l’école c’est le soutien que l’on pouvait avoir des chefs de cuisine. Si un élève était sur le point de tout quitter, ils étaient là pour le remotiver. Pour cela, ils nous expliquaient ce que l’école pouvait nous apporter pour notre avenir, pour avancer. Ces mots faisaient du bien. J’ai eu des moments où j’avais envie de tout arrêter. Mais finalement je n’ai rien lâché » se souvient Ewan.
Pour Hippolyte, « les profs étaient très à l’écoute. Ils nous expliquaient les choses, nous aidaient et nous accompagnaient. Mais en même temps ils nous laissaient une grande d’autonomie et une liberté pour faire les choses. C’est très important parce que ça permet de gagner en confiance en soi mais aussi en autonomie dans le travail ».
L’école de production, entre CFA et lycée pro
Pour Patrick Carret, « une école de production est une formation hybride entre le lycée professionnel et le CFA. Nous sommes dans un lieu unique d’apprentissage contrairement à un CFA où il y a une partie de l’apprentissage qui se fait en entreprise. Mais nous avons le rythme de l’alternance puisque les 2/3 du temps sont consacrés à la pratique. Le tiers restant concerne l’apprentissage théorique ».
Pour savoir si vous êtes fait pour suivre une formation dans une école de production Antoine Martin conseille de « vous demander si vous vous sentez capable de suivre une semaine complète en cours. Car en CFA c’est souvent ce modèle qui est choisi : une semaine de cours et 3 semaines en entreprise. Si vous ne vous sentez pas capable de suivre ce rythme, tentez une école de production où vous aurez, en première année, 2h de cours théoriques par jour ».
Au cours de sa scolarité, Hippolyte a apprécié les cours en atelier. « Sur une semaine de cours on avait un jour et demi consacré à l’apprentissage théorique avec des matières comme les maths ou le français. Et ensuite on avait trois jours et demi de cours en atelier. C’est très agréable pour ceux qui ne sont pas fait pour le système scolaire classique. C’était mon cas, j’étais incapable de rester 8h assis sur une chaise à écouter un professeur ».
Même si dans ces écoles le rythme de l’alternance est suivi, vous n’aurez pas à trouver une entreprise puisque tout se fait au sein même de l’établissement, en atelier. « Autant les entreprises ont de forts besoins d’apprentis à des niveaux de bac pro ou BTS, mais en CAP il est plus difficile de trouver une entreprise qui vous accepte » explique Antoine Martin. Au sein d’une école de production, vous réalisez des prestations pour le compte d’entreprises, qui externalisent une partie de leurs commandes.
Pour intégrer une école de production : soyez motivé
Avec de petits effectifs dans les classes et seulement une quarantaine d'écoles en France, une sélection s’opère à l’entrée en école de production. « La sélection se fait sur un seul critère : la motivation. On ne regarde pas le bulletin ni les résultats scolaires » explique Patrick Carret. « On propose des mini stages ou même la possibilité de faire le stage de 3e en observation dans une de nos écoles. Pendant cette semaine vous suivez la vie d’une classe de 1re ou 2e année de CAP ». A l’issue de cette semaine d’observation, vous avez un entretien avec le directeur de l’école et les chefs d’atelier où vous devez montrer votre motivation à intégrer l’école.
Ewan a passé les épreuves du CAP avec succès. « J’ai répondu à une offre dans un restaurant à Rouen et j’ai été pris. Aujourd’hui je suis sous-chef de ce restaurant et j’ai signé mon CDI la semaine dernière. Quand je vois tout le chemin parcouru je suis vraiment fier ».
Hippolyte, lui, a poursuivi ses études. « J’ai passé un CAP et un bac pro. Ensuite j’ai fait un 2e bac pro dans une autre spécialité qui m’a permis de continuer en BTS. Après mon BTS je me suis lancé dans une licence pro et aujourd’hui je prépare un master. Je n’aurais jamais pensé aller aussi loin. Mais à chaque fois c’était un nouveau challenge et je voulais me prouver à moi-même que je pouvais le faire ».