Interview Tatouage : que faut-il savoir avant de sauter le pas ?

Odile Gnanaprégassame Odile Gnanaprégassame
Publié le 14-02-2019

En bref

  • Le tatouage est une tendance qui prend de l’ampleur ces dernières années. 14 % des Français sont tatoués dont presque un tiers sont âgés de 18 à 24 ans*. Il est aussi possible de se faire tatouer avant la majorité. Julien Thibers, professionnel installé dans les Vosges, a répondu à nos questions.
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Tatouage mineur Crédit : Pixabay

Se faire tatouer alors que l’on a moins de 18 ans, c’est possible. Mais il est préférable d’avoir mûri cette décision avant de se lancer. Julien Thibers, tatoueur professionnel installé dans les Vosges, a participé au Mondial du tatouage qui s'est tenu les 15, 16 et 17 février à Paris. Il fait le point sur cette pratique.

Un jeune peut se faire tatouer à partir de 18 ans. S’il est mineur, la seule condition, c’est d’avoir l’autorisation écrite de ses parents ou des personnes en charge de l’autorité parentale. Pour éviter l’utilisation d’un faux ou encore les malentendus avec un parent qui a donné son autorisation sans l’accord de l’autre par exemple, les tatoueurs demandent de plus en plus la signature de cette autorisation sur place.

Le tatouage est quelque chose que l’on porte toute sa vie. Et à ces âges-là, on ne sait pas comment on veut construire son avenir, on ne se projette pas. Il ne faut pas faire un tatouage dans la précipitation, en se disant qu’on pourra toujours le faire recouvrir plus tard ou rattraper le coup si jamais le tatouage est mal exécuté. C’est un mauvais calcul, car au final, ça revient plus cher. À titre personnel, je ne fais plus de tatouage pour les jeunes de moins de 18 ans, car je passais mon temps à faire la police, à parlementer pour dissuader et faire comprendre qu’il vaut mieux patienter au moins jusqu’à la majorité.

Le tatoueur est un professionnel qui est maître de son activité. C’est lui qui décide s’il accède à la demande d’un client ou pas. Il faut se méfier d’un tatoueur qui accepte facilement de tatouer un mineur sur des zones très visibles comme le cou ou les mains. Proscrire les motifs engagés politiquement notamment. En ce moment, il y a une grosse tendance végane plutôt extrême par exemple. Bien sûr, il faut éviter le prénom du petit copain ou de la petite copine du moment… Le tatouage engage trop de choses dont le jeune n’a pas conscience à ce moment-là de sa vie. Si cette pratique est tout de même plus acceptée dans la société, il vaut mieux bien réfléchir avant de choisir le motif.

Le tatouage est devenu une mode dont les médias parlent beaucoup. Et cela attire des gens peu scrupuleux et peu professionnels, qui veulent en profiter. Le pire en ce moment, ce sont les "shops" qui se développent en dehors de tout contrôle aussi bien de l'administration fiscale que de l’Agence régionale de santé. Ils sont tenus par des personnes qui font du tatouage par opportunisme dans des appartements où les conditions d’hygiène et de sécurité ne sont pas garanties. Ceux qui en font les frais sont les jeunes. Ils pensent que pour être tendance, ‘il faut avoir un tatouage, peu importe s’il est réussi ou pas’. Et comme ils n’ont pas beaucoup d’argent et surtout ne veulent pas attendre, ils peuvent tomber dans le panneau. Attention, il ne faut pas faire l'amalgame avec les shops privés initiés par des tatoueurs renommés et reconnus qui choisissent d'exercer ainsi pour travailler avec une certaine clientèle sur rendez-vous mais en toute légalité.

Il faut regarder son travail. Pas seulement sur photos, il faut chercher à rencontrer des personnes qui sont allées se faire tatouer chez ce professionnel. Lorsque vous arrivez dans un salon de tatouage, le premier réflexe est de demander à visiter les locaux pour se rendre compte du niveau d’hygiène. Il faut s’assurer que les aiguilles à usage unique sont déballées devant vous, de même que les petits réceptacles d’encre. Même si vous arrivez à deux (amis, couple, frères et sœurs), le tatoueur doit utiliser des réceptacles et aiguilles uniques pour chaque personne. Vérifiez s’il y a bien des poubelles jaunes pour récupérer le matériel usagé, cela peut être un bon indicateur. Quand vous entrez chez un tatoueur et que ce dernier vous propose de faire le tatouage tout de suite parce qu'il n'a pas de client, méfiez-vous.

La seule chose dont on a besoin pour ouvrir une boutique, c’est une formation en hygiène de 3 jours [la certification doit être affichée de manière visible, ndlr]… Pour tatouer, il n’y aucune formation technique ou de diplôme. On aimerait bien une reconnaissance de la profession mais il faudrait passer par tout un processus, attendre plusieurs années pour obtenir la certification de l’État. Celle-ci est attribuée selon le taux de réussite à la formation, et cela peut engendrer des dérives pour que la formation soit validée et être contre-productif avec une formation pas à la hauteur qui desservirait notre volonté de reconnaissance. Le compagnonnage serait plus indiqué pour s'assurer de la qualification des tatoueurs, car il est important que le client ait un jugement éclairé.

Lorsque l’on se fait tatouer, il faut compter 4 à 5 jours pour que ça se referme, puis une bonne quinzaine de jours/3 semaines pour une cicatrisation complète. Il ne faut pas oublier que le tatouage est une plaie superficielle, mais une plaie quand même. Alors il faut éviter toute exposition au soleil. Il est même préférable de le faire après l’été, après avoir débronzé, l’hiver c’est plus idéal. Les tatouages à l’encre noire cicatrisent assez vite en quelques jours. Pour les encres de couleur, les soins post-tatouage sont plus contraignants. Aujourd’hui, il y a pas mal de contrôles sur leur provenance et leur composition. Il est vrai que les pigments rouges foncés et rose peuvent démanger un peu et causer quelques désagréments, mais rien de grave en général.

Le tatouage, surtout s’il représente plusieurs heures de travail, peut être risqué chez une personne avec des problèmes de santé. On devrait refuser de le faire. En général, si la santé est altérée, si l'on cicatrise moins bien ou que l'on est diabétique par exemple, on est moins armé pour affronter une plaie. Par ailleurs, l’obésité peut être une contre-indication car il y a un risque de phlébite dû à une mauvaise circulation sanguine. On évitera les tatouages au niveau des extrémités, comme les chevilles par exemple.
Un truc tout bête aussi, la peau très sèche c’est pas top. J’inclus dans mon protocole signé par chaque client, une crème pour hydrater la peau avant le tatouage.

*sondage Ifop, Les Français et le tatouage, novembre 2016.

 

Focus

SOYEZ VIGILANT !
Chaque salon de tatouage doit déclarer son activité auprès de l'Agence régionale de santé. Parce qu'il est bien question de santé lorsqu'on parle de tatouage. En effet, réalisé dans de mauvaises conditions d'hygiène, dans un environnement et avec du matériel non stérilisés, sans gants de protection, le tatouage expose à des infections bactériennes et à la transmission de virus par le sang comme l'hépatite B ou C et le VIH.

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