Archive Cinéma : que deviennent les diplômées ?
En bref
- Les jeunes femmes sont majoritaires dans les formations de cinéma à l'université et pourtant elles sont encore sous-représentées à certains postes-clés dans la production audiovisuelle française, quelques signes encourageants apparaissent. Le point en quelques chiffres.
Davantage de femmes au générique ! Tel est l’un des principaux messages du 71e festival de Cannes qui s’achève samedi 19 mai. Une édition marquée notamment par la montée des marches de 82 femmes. Ce chiffre n’a pas été choisi au hasard : il correspondait aux 82 films réalisés par des femmes et présents en compétition officielle depuis la première édition en 1946, soit moins de 5% du nombre total d’œuvres montrées. Moins fort mais persistant,les disparités se révèlent également à travers d’autres indicateurs.
A l’université, parité dans les sections cinéma
Premier constat : les femmes sont présentes en nombre depuis plusieurs décennies sur les bancs des écoles de cinéma, et même majoritaires à l’université. Mais seulement un film français sur cinq sortis en salle est une œuvre d'une réalisatrice.
Plus d’un étudiant sur deux en filière cinéma et audiovisuel à l'université est une étudiante, d’après une enquête publiée par le Centre national du cinéma en mars 2018. Or, au cours de la période 2012-2017, seules 224 productions françaises de longs métrages ont été réalisées par des femmes, soit moins de 20%. Point positif toutefois : cette proportion a légèrement augmenté - de deux points - par rapport à la décennie précédente puisqu'elle était de 18% en en 2009. Les courts-métrages réalisés par des femmes restent plus fréquents (plus du tiers).
Que deviennent donc toutes ces diplômées ?
Certes toutes ne choisissent pas la réalisation, au cours de leur cursus, les étudiantes optent davantage pour des métiers de production, tandis que les hommes suivent plus fréquemment des parcours débouchant sur des postes opérationnels, que ce soit au son ou à l’image, d’après les données du CNC qui prépare une enquête sur le devenir des jeunes femmes diplômées du cinéma. En attendant, d’autres indicateurs sont disponibles. Par exemple, 42% des auteur.e.s qui se déclarent auprès d'organismes officiel, comme scénariste notamment, sont des femmes.
« J’ai suivi ma formation dans les cours du soir, nous étions autant de filles que de garçons », raconte Zoé Lejuif, assistante de réalisation, diplômée du Conservatoire Libre du Cinéma français (CLCF) en juin 2017. Cette dernière a trouvé un poste d'assistante de réalisation pour une web-série en rencontrant un ancien de son école lors de sa remise de diplôme. Tous ses camarades de promotion n'ont pas eu sa chance. « Ce n’est pas tant qu’il soit plus difficile pour une femme que pour un homme de trouver un poste, mais c’est plutôt l’image que l’on a qui est différente. On nous fait beaucoup moins confiance, et il y a des choses que l’on nous dit que l’on ne dirait pas à un homme », estime-t-elle.
Le défi de l'égalité salariale
Qu’en est-il des revenus ? Sur la Croisette, il a également beaucoup été question des écarts de salaire entre femmes et hommes dans le cinéma. La réalisatrice Agnès Varda en haut des marches lors de la montée des 82 femmes aux côtés de l’actrice Cate Blanchett, présidente du jury a mis "au défi nos gouvernements et nos pouvoirs publics pour appliquer les lois sur l'égalité salariale".
De fait, une fois diplômées, comme dans d’autres secteurs, les femmes qui parviennent à poursuivre une carrière dans le secteur audiovisuel obtiennent souvent des revenus inférieurs à ceux des hommes. L’écart varie selon les postes et peut aller jusqu’à 40% aux niveaux les plus élevés de la hiérarchie. La moitié des salariées du secteur du « spectacle enregistré » (qui comprend aussi la télévision et la radio), gagne en moyenne plus de 20 342 euros par an. Ce qui correspond à 9% de moins que les hommes.
Cependant, bonne nouvelle: les créatrices gagnent plus grâce à leur travail depuis 2013. C'est ce que révèle la hausse des cotisations des femmes auprès d'un organisme officiel comme la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Dans l'audiovisuel, la part des contributions d'origine féminine est passée de 24% en 2013 à 27% trois ans plus tard.
Bientôt des quotas?
Il n'en reste pas moins que, dans le cinéma comme ailleurs, les postes à hautes responsabilité restent plus souvent occupés par des hommes. Et la visibilité des femmes s’en ressent. Ce qui explique en partie leur rareté sur les podiums des prix. Face à ce constat, certain.e.s réclament des quotas. Ce fut le cas dans une tribune publiée dans Le Monde en mars 2018. Lors du festival de Cannes, la ministre de la Culture Françoise Nyssen s’est déclarée « prête » à ce que les aides publiques versées dans le secteur du cinéma soient conditionnées à des objectifs en matière de parité et d'égalité salariale.