Bonne surprise Halte aux clichés : les jeunes savent écrire et ils aiment ça
En bref
- Si les 14-18 ans écrivent tous les jours pour répondre aux exigences scolaires, ils le font aussi pour leur plaisir.
- Ils produisent tous types d’écrits et pas uniquement sur des supports numériques : SMS, posts, messages d’amour, fanfictions, paroles de chansons ou de rap, histoires…
- Étonnamment, les ados plébiscitent l’écriture manuscrite, considérée comme un atout pour mémoriser leurs cours.
Écrire, peu importe le support
« On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans […] Vous êtes amoureux. ? […] Puis l’adorée, un soir, a daigné vous écrire… ! ? Ce soir-là,… ? vous rentrez aux cafés éclatants, Vous demandez des bocks ou de la limonade… ? On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans. Et qu’on a des tilleuls verts sur la promenade. » Que reste-t-il de la poésie de Rimbaud ? Les jeunes de 2023 ne sont-ils pas sérieux ou ne sont-ils pas pris au sérieux ? Loin des clichés, les ados écrivent. Pas toujours en vers, mais parfois à la plume ! C’est le constat à tirer de la nouvelle enquête « Les adolescents et leurs pratiques de l’écriture au XXIe siècle : nouveaux pouvoirs de l’écriture ? », réalisée par l’association Lecture Jeunesse et l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire. Pour parvenir à cette conclusion, ont été compilées les réponses de 1 500 jeunes Français âgés de 14 à 18 ans, mais aussi les données issues d’une cinquantaine d’entretiens individuels. Et toutes les formes possibles d’écriture ont été analysées. Un chiffre en particulier sort du lot : « Au total, 92 % des jeunes ont une activité de scripteur déclarée ». Comprendre le « scripteur » par « l’émetteur » d’un message écrit. Parmi les jeunes interrogés, 59 % estiment écrire « tous les jours ou presque » : SMS, liste de course, fanfiction, post Instagram … Le rapport insiste sur le fait que : « les jeunes écrivant sur les réseaux sociaux rédigent plus que la moyenne » tous types d’écrits, de formats ou de supports considérés (13 %, pour les messages d’amour, 7 % pour les messages écrits à la main à des amis, 16 % pour les brouillons pour publications en ligne) ».
Des billets et des fictions au format électronique
Envoyer un DM (message privé sur Instagram) serait moins littéraire que de rédiger des vers à la Rimbaud ? En pratique, le rapport démontre que ces nouvelles façons d’écrire bénéficient de moins de reconnaissance que les formats considérés comme plus scolaires. L’enquête relève un sentiment d’illégitimité chez beaucoup de jeunes à se définir comme « scripteur », lorsque ces derniers ne pratiquent pas une activité d’écriture encadrée, comme la rédaction d’une lettre, d’un essai ou d’une carte. Souvent moins valorisés par leurs aînés, les écrits publiés sur les réseaux sociaux sont pourtant des sources de créativité chez les jeunes. Près de 40 % des interrogés écrivent d’ailleurs occasionnellement ou régulièrement des paroles de chansons ou de rap, plus de quatre sur dix élaborent des histoires ou des fanfictions, et environ un tiers participe à l’écriture de traductions de mangas ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les 14-18 ans se montrent très investis dans la pratique de l’écriture fictionnelle. Ainsi, ils expriment la satisfaction de produire un texte par un travail assidu et cela transparait dans le champ lexical employé lors des entretiens avec des termes comme « s’appliquer », « fais attention à », « effort ». Dans cette quête, l’application « Notes » du smartphone apparait pour plusieurs ados, un indispensable pour y stocker idées et ébauches qui surgissent, car plus facilement à portée de main qu’un cahier où griffonner. Mais, pour autant, ces ados ne renoncent pas au stylo.
La plume est éternelle
Malgré les heures passées à la rédaction de contenus numériques, les jeunes n’ont pas complètement délaissé la plume. Ils sont même 81 % à considérer qu’écrire à la main est toujours utile. Une des principales raisons avancées est que l’écriture manuscrite permet de mieux mémoriser un texte ou une leçon, contrairement à la retranscription sur l’ordinateur. Dans le rapport, les jeunes rencontrés en entretien individuel s’interrogent même sur la complémentarité des deux techniques d’écriture. Pour Tia, 16 ans : « Je me rends compte que quand j’écris des messages, j’ai tendance à faire des fautes. J’ai toujours eu un bon niveau en français, mais quand j’écris par SMS, je ne fais pas attention, j’essaie d’aller au plus vite, avec des abréviations, tout ce que je ne fais pas quand j’écris pour mes livres. » La capacité à utiliser les différents codes de langage, alternant entre les écrits scolaires et ceux dédiés aux réseaux sociaux, semble primordiale. Surtout lorsque les derniers résultats des évaluations nationales de 4e en mathématiques et en français sont considérés comme « inquiétants » par le ministère de l’Éducation nationale (en français, 32,5% des collégiens ont un niveau faible et 38,5% ont un niveau fragile). Selon le rapport, il s’avère nécessaire que les médiateurs parviennent à mieux appréhender les pratiques littéraires des jeunes pour les aider à développer leurs apprentissages. Soit de travailler le fond pour améliorer la forme.