Archive Dans certaines universités, les étudiants transgenres peuvent changer de prénom
En bref
- Une poignée d'universités acceptent désormais d'appeler les étudiants qui en font la demande par leur prénom d'usage. Une mesure qui n'est pas réservée aux étudiants transgenres mais qui pourrait leur faciliter le quotidien. Témoignage de Léa, étudiante à Caen, où cela est possible depuis la rentrée 2018.
"Se faire appeler par son ancien prénom, ce prénom que l’on ne veut plus entendre, c’était l’angoisse" confie Léa. Avant d’abandonner la fac en cours d’année, l’étudiante de 21 ans était inscrite en 3eme année de licence Sciences du langage à l’université de Caen. Pourtant, ce n’est pas ce prénom qui figure sur sa carte étudiante car Léa a commencé son parcours universitaire en tant qu'étudiant.
Une transition qui n'était jusque-là pas reconnue par son université. "Sur la feuille d'émargement c'est le nom d'inscription qui figure" explique Léa. Au moment de l'appel pour éviter un moment gênant ou être noté absent, les étudiants transgenres devaient aller voir chaque professeur en début de cours. "Devoir sans cesse tout réexpliquer, et nous exposer à des réactions, même si elles ne sont pas majoritaires, d’incompréhension voire parfois de refus de la part de certains profs était problématique" déplore Léa.
Un contexte pas franchement favorable pour l’étudiante. "Je ne me sentais pas à l’aise, j’ai loupé pas mal de cours et ça a clairement joué dans l’arrêt de mes études" confie-t-elle.
Face à la situation, onze organisations syndicales, politiques et étudiantes ont adressé une lettre demandant à l’université normande de valider l’utilisation du prénom d’usage pour les personnes qui le souhaitent. "On a obtenu un rendez-vous avec la présidence, je m’attendais à devoir défendre le projet en réalité l’université était déjà bien informée et semblait y a avoir déjà réfléchi" explique Léa. "On était agréablement surpris d'autant que l'université n’a aucune obligation légale de le faire" précise l’étudiante.
Avant elle, plusieurs universités, notamment celle de Lille, Rennes 2 ou encore Paris 8 se sont déjà saisies de la question et autorisent désormais les étudiants qui en font la demande à faire figurer leur prénom d'usage, et non leur prénom inscrit à l'état civil, sur la carte étudiante, feuilles d'émargement ou adresse e-mail universitaire. La mesure ne concerne en revanche pas les documents officiels comme le diplôme universitaire.
"Cette mesure reste une avancée importante se félicite toutefois Léa Ça permet de donner une visibilité aux étudiants trans, car jusque-là la fac ne savait pas du tout combien de personnes pouvaient être concernées".
"Les gens ont une image stéréotypée des trans"
"L’université a aussi proposé de nous accompagner pour le dossier de changement de prénom à la mairie" ajoute Léa. Une aide qui pourrait être utile car si la loi a simplifié la procédure de changement d'état civil, l’étudiante regrette qu'"à Caen, les démarches à la mairie restent encore assez compliquées lorsque l'on n’est pas engagé dans un parcours médicalisé".
"On sent que l’on a un allié" se réjouit Léa, en parlant de l'université. Toutefois Léa aimerait voir d’autres modifications suivre à l'avenir : "Les toilettes pour hommes d’un côté et femmes de l’autre pointe Léa Ce serait bien des toilettes non genrées ou un troisième WC neutre" suggère l’étudiante. Toutefois elle rappelle que "ce qui fera vraiment bouger les choses c’est une meilleure sensibilisation sur le sujet afin de faire changer la perception des gens sur les personnes transgenres".
"Pour le moment les gens ont une image stéréotypée et discriminante des trans" se désole Léa. Outre les mesures qui peuvent être mises en place, l’étudiante espère surtout davantage de tolérance afin d’éviter les comportements maladroits voire insultants dont les personnes transgenres peuvent être victimes. Des actes qui malheureusement progressent. Cette année, SOS Homophobie a reçu 1 650 témoignages d’actes LGBTphobes. Les témoignages faisant part d'agressions physiques ont augmenté de 15% d'après le rapport 2018 sur l'homophobie. Rappelons que la loi française punit depuis 2003 et 2004 plus sévèrement les agressions et les insultes lorsqu'elles sont motivées par l’homophobie, et depuis 2012 lorsqu’elles sont motivées par la transphobie.
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